Trouvant sa source dans différentes opérations (acquisition, donation ou succession), le démembrement est le partage de la propriété d’un bien entre un usufruitier et un nu-propriétaire. Chacun de ces protagonistes a des droits et des devoirs concernant le bien en question : l’usufruitier détient le droit de jouissance et, à ce titre, il en aura l’usage et en percevra les revenus, tandis que le nu-propriétaire (futur plein propriétaire) exercera le droit d’en disposer. Le démembrement de propriété est généralement une situation de long terme, aussi il convient de bien définir le rôle de chacun.
1. Personnaliser les droits et devoirs de chacun
Le Code civil, ainsi que de nombreuses jurisprudences, régissent les droits et devoirs du couple usufruitier/nu-propriétaire dans le cadre d’un démembrement de propriété. Pour un bien immobilier, ces règles sont généralement claires et relativement faciles à appliquer, bien qu’elles puissent parfois se révéler complexes. Cependant, pour un bien mobilier, notamment les parts sociales de sociétés, la jurisprudence peut se montrer contradictoire. Ainsi, si la situation l’exige (comme dans le cas d’un bien immobilier d’une valeur vénale ou familiale importante, ou des parts de société professionnelle) et si vous souhaitez clarifier ce dédale juridique, il peut être judicieux de rédiger une convention de démembrement ad hoc. Cette convention permettra, sans nuire aux droits fondamentaux ni du nu-propriétaire ni de l’usufruitier, de fixer précisément vos règles du jeu concernant la propriété démembrée.
Pour un bien immobilier, l’attention sera portée sur la clarification de la répartition des charges (travaux d’entretien ou d’autre nature, taxe foncière, etc.) et sur le rôle de chacun en cas de gestion locative (baux, copropriété, etc.). Pour des parts sociales, l’accent pourra être mis sur la répartition du résultat entre l’usufruitier et le nu-propriétaire en fonction de la nature de celui-ci (résultat courant ou exceptionnel, dividende, distribution de réserves, etc.), ainsi que sur la répartition du droit de vote.
2. Anticiper les conséquences de la cession du bien démembré
Le démembrement de propriété est, par essence, une situation temporaire, destinée à se terminer soit à l’issue de l’usufruit, soit au décès de l’usufruitier. Cependant, cette fin peut également survenir lorsque le bien démembré est vendu par le nu-propriétaire et l’usufruitier. Dans cette situation, les fonds issus de la vente de la propriété doivent être partagés, et les règles de cette répartition peuvent être définies avant l’opération.
Plusieurs options s’offrent à vous :
- Les fonds sont répartis entre le nu-propriétaire et l’usufruitier selon une clé de répartition définie en amont.
- Les fonds sont répartis entre le nu-propriétaire et l’usufruitier, avec une clause de remploi sur un nouveau bien : le démembrement d’origine est alors reporté sur le nouvel investissement (ce que l’on appelle la subrogation).
- Les fonds sont attribués en totalité à l’usufruitier, ce qui donne naissance à un quasi-usufruit, une forme particulière de démembrement de propriété.
3. Comprendre et optimiser le régime du quasi-usufruit
Démembrer un immeuble, des parts de sociétés ou un portefeuille de titres peut sembler relativement simple. En revanche, démembrer une somme d’argent est moins intuitif et oblige à quelques circonvolutions intellectuelles. Comment attribuer les revenus d’un placement à un usufruitier tout en laissant le capital sous la nue-propriété du nu-propriétaire ?
Le législateur a apporté une réponse en permettant au capital de rester à la disposition de l’usufruitier, qui devient alors un « quasi-propriétaire ». Bien que dépourvu d’un droit réel sur la somme d’argent, le nu-propriétaire détient un simple droit de créance en restitution, qu’il pourra exercer au décès de l’usufruitier. Pour aménager ce régime particulier du quasi-usufruit, une convention de démembrement peut être envisagée afin, par exemple, de :
- Indexer la créance de restitution pour protéger le nu-propriétaire des effets de l’inflation.
- Définir une garantie pour la créance afin d’assurer son paiement à terme.
- Matérialiser la créance dans un acte pour la rendre déductible du passif successoral de l’usufruitier.
Le démembrement de propriété est une opération courante, parfois imposée, notamment lors d’une succession. Cette forme de détention, utile tant civilement que fiscalement, peut faire l’objet d’aménagements conventionnels pour être vécue sereinement et éviter qu’elle ne se transforme en une contrainte trop lourde pour le nu-propriétaire ou l’usufruitier.