Rendez-vous est pris le 27 juillet 2024 au centre national de tir de Châteauroux. Selon toute vraisemblance, Carole Cormenier y représentera la France lors de l’épreuve de fosse olympique des JO de Paris, avec de raisonnables espoirs de médaille. La Charentaise s’est approchée de l’obtention d’un quota en décrochant le titre de championne du monde en septembre dernier.
Jusqu’à l’événement international, suivez sa vie d’athlète de haut niveau sur les réseaux sociaux, grâce à l’accompagnement de Cerfrance, son partenaire en communication digitale.
Carole Cormenier, vous êtes une championne comme on en a peu en France, pourtant vous êtes encore méconnue du grand public. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai 32 ans. Je suis née en Haute-Vienne mais j’ai toujours vécu en Charente, un territoire auquel je suis très attachée depuis toute petite. Aujourd’hui, j’habite à Étagnac, à 20 kilomètres de Confolens, avec mon conjoint et notre petite fille de cinq ans.
Comment avez-vous découvert le tir sportif ?
J’ai commencé par le foot jusqu’au niveau régional. J’ai arrêté parce que je ne pouvais plus jouer avec les garçons. Mais je voulais continuer à faire du sport. Mon père venait de se remettre au tir me proposait de l’accompagner. J’avais 15 ans, je n’avais pas du tout envie au début. Comme il insistait j’ai fini par dire ok… et je n’ai plus arrêté.
Vous avez tout de suite montré des aptitudes exceptionnelles ?
J’ai d’abord essayé et tout de suite réussi à casser des plateaux. J’ai dit la phrase magique à mon père « ça me plait ». La semaine d’après j’avais une arme et c’était parti. Comme j’ai toujours eu l’esprit de compétition, j’ai très vite voulu améliorer mes scores. Mon père a été mon coach pendant très longtemps.
Et vous vous êtes construit un joli palmarès…
J’ai plusieurs titres de championne de France. A l’international, j’ai eu une médaille d’or et de bronze en coupe du monde, du bronze encore en championnat d’Europe. Cette année j’ai récemment gagné les Jeux méditerranéens et surtout ce titre de championne du monde en septembre.

Quel est votre sentiment après ce succès tout récent ?
C’est une immense joie. Je suis la première Française à décrocher ce titre dans la discipline, mon meilleur résultat en compétition. Et surtout, il me permet d’avoir de grandes chances d’obtenir un quota délivré par ma fédération pour les JO de Paris, mon objectif principal.
Ce serait donc votre deuxième expérience olympique après celle des Jeux de Tokyo où vous aviez obtenu la 10e place ex-aequo. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Même si les Jeux étaient particuliers car sans public, je me souviens de la belle ambiance avec les autres athlètes de la délégation française. Ça fait partie du charme des JO. J’avais réussi à faire une photo avec Teddy Riner, mon rêve ! Ensuite j’étais assez contente du résultat même si on vise toujours la médaille. En tout cas, – si je suis sélectionnée – je n’aborderais pas la compétition de la même manière. Je saurais ce que c’est au niveau médiatique, je connaitrais l’organisation.
La fosse olympique
Carole pratique la fosse olympique, une discipline qui consiste à tirer des cibles mouvantes avec un fusil à plombs. Il faut casser des plateaux d’argiles de 11 centimètres de diamètre sur 1,5 d’épaisseurs projetés à 110 km/h à une distance de 30-35 mètres. Les épreuves se déroulent sur deux jours. 75 tirs le premier et 50 le lendemain. Oui, c’est bien du sport !
Soyons confiants et partons du principe que vous allez obtenir ce quota. Connaissez-vous le site où se dérouleront les épreuves de tir des Jeux de Paris ?
Oui plutôt bien. Elles auront lieu au Centre national de tir de Châteauroux, où je m’entraine toutes les semaines. Je serai doublement à la maison. Bon, ce sera un peu dommage de ne pas être avec les autres athlètes. J’espère quand même qu’on aura l’occasion de visiter les sites, le village olympique. Nos épreuves sont toujours programmées le lendemain de la cérémonie d’ouverture, je ne suis pas sûr de pouvoir défiler avec les autres athlètes de la délégation.
Vous serez donc accompagnée par Cerfrance dans cette nouvelle aventure vers les JO 2024. Comment avez-vous tissé ces liens et de quelle nature seront-ils ?
Nous avons rencontré l’équipe Cerfrance par le travail de mon conjoint, agriculteur. Il est toujours délicat de demander quelque chose… Ils ont compris nos besoins et nous avons conclu un partenariat pour développer ma présence médiatique, dynamiser mon activité sur les réseaux et permettre aux gens de suivre ma vie d’athlète professionnelle au plus près.
Jean-Michel Métayer (responsable du territoire Est Poitou Charente à Cerfrance) : Nous avons une athlète olympique aidons-la ! Nous allons lui faire profiter de l’expertise de nos conseillers numériques. Nous avons construit ensemble une collaboration autour de l’animation des réseaux sociaux Facebook et Instagram de Madame Cormenier dans le but de renforcer la visibilité d’un sport encore méconnu du grand public.
Loïc Bernard (son conjoint) : Plus on va toucher de public et de partenaires, mieux ce sera. Nous avons besoin de faire connaitre ce sport, le mettre en lumière pour attirer des jeunes et des sponsors.
Est-ce aussi l’objectif de votre association Le tir charentais vers l’or ?
Loïc Bernard : Nous avons créé cette asso pour soutenir Carole dans son activité de sportive de haut niveau. Il s’agit aussi de détecter des jeunes charentais et essayer de leur donner les moyens de pratiquer. Démarrer dans la discipline est très onéreux. Une arme coûte entre 5000 et 10 000 €, plus le budget cartouches, plus les déplacements car les stands de tir sont rares. De Confolens par exemple il faut aller à Châteauroux ou Bordeaux.
Alors comment vit une athlète de haut niveau installée à Confolens ?
L’organisation n’est pas très simple, c’est un peu la débrouille. Je m’entraine deux fois par semaine à Châteauroux, à 1 h 30 de route. Les séances ont lieu quel que soit le temps, la température. Et je pars huit jours toutes les deux semaines pour des stages ou des compétitions. C’est une vie particulière. Nous avons une petite fille de 5 ans. Heureusement mes beaux-parents nous aident beaucoup.
On imagine qu’il y’a un staff autour de vous…
Une petite équipe s’est formée autour de moi. Un coach sportif vient à domicile. C’est lui qui fait mon planning. Je peux aussi joindre facilement une sophrologue et une psychologue sportive.
Elles m’aident à décompresser à réagir dans les moments de doute. J’appelle ma psy la veille des compétitions, après l’entrainement pour vider son sac, enlever les frustrations. Je fais aussi appel à un kiné qui travaille en fonction de ma tenue de l’arme. Entre deux compèt’ il n’y a parfois que huit jours. Les plannings sont souples pour pouvoir tout caser.
Que répondez-vous à ceux qui prétendent que le tir ce n’est pas du sport ?
Qu’ils ne le connaissent pas. Après une journée de tir on est aussi fatigué que dans toute autre discipline. La concentration est intense et on soulève le fusil de 3,7 kg au minimum 75 fois dans la journée, on encaisse le recul de la cartouche et on piétine constamment. Il faut aussi récupérer des voyages, évacuer la pression.
Comment êtes-vous rémunérée. Quel est votre statut ?
Je suis professionnelle depuis fin 2019. J’avais failli arrêter car je ne pouvais pas m’organiser avec un travail alimentaire à côté, demander constamment des autorisations d’absences. J’ai obtenu le statut en décrochant un quota olympique. Aujourd’hui, j’occupe un poste détaché à l’INSEP de Paris en tant que sportive de haut niveau. C’est un CDD renouvelable tous les ans. Il y a toujours une phase d’incertitude, difficile à gérer. J’effectue quelques missions ponctuelles auprès des écoles, des personnes handicapées. Je suis aidée par l’Agence nationale du sport comme athlète élite, la seule de ma discipline. Les départements de la Charente et de la Charente-Maritime me soutiennent, j’ai aussi quelques partenaires avec moi.

Et la reconversion vous y pensez déjà ?
Je suis âgée de 32 ans, c’est encore jeune dans un sport que l’on peut pratiquer jusqu’à tard. Un Koweitien de 57 ans obtenu une médaille de bronze aux JO… On peut finir pas souffrir de l’épaule et du dos. J’ai passé un Brevet d’État de 1er degré dans l’idée de devenir entraineure. J’aimerais bien rester dans le milieu.

Article rédigé par notre journaliste pigiste Karl Duquesnoy