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21 novembre 2023 - Veille économique & Prospective

Amazon : qui peut encore lutter ?

Temps de lecture 9 minutes

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L’univers de la consommation, jadis bouleversé par la Grande distribution, se trouve désormais révolutionné par l’émergence de plateformes numériques, de « places de marché » virtuelles, dont Amazon campe une figure emblématique.

Si l’on se contente couramment de rappeler que la plupart des PME1 industrielles ne pèsent pas face aux 4 majors de la Grande distribution, c’est aussi ignorer l’influence grandissante et le poids d’Amazon.

Michel-Edouard LECLERC, l’un des pionniers les plus aguerris que compte le commerce des biens & services, reconnaît humblement avoir été totalement surpris, bluffé même lorsqu’il a appris l’achat par Amazon de la première chaîne de magasins Bio aux Etats-Unis. Jamais il n’aurait imaginé qu’Amazon investisse un jour le secteur des magasins physiques…

Amazon vise le leadership dans tous les compartiments du jeu commercial. Eh non, il ne boude pas l’acquisition de magasins physiques si c’est une clé d’implantation dans un pays. Logique en cours au Royaume-Uni où Amazon a récemment fait ses premières armes, ouvrant un magasin alimentaire et un second dans le non-alimentaire.

En France, s’il est de bon ton d’affirmer que nombre de consommateurs résistent à la déferlante d’Amazon, les faits sont têtus : 1 adulte sur 2 achète sur Amazon (cf. infographie AMAZON France). Et, une étude d’impact récente montre que 10% seulement des Français boycottent Amazon.

Interviewé sur les ondes de France Inter, Philippe MOATI2 résume notre ambivalence hexagonale : « Il peut y avoir un conflit entre le consommateur et le citoyen. Généralement, en France, le consommateur parle plus fort que le citoyen ».

C’est signé Amazon…

Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, a fait de la satisfaction client sa priorité absolue. D’ailleurs, son logo illustre un sourire.

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Il se plaît à répéter que le succès d’Amazon, ce sont les clients qui le font. Sans ignorer que ce sont aussi les salariés qui y contribuent.
En France, en 2021, pour mieux les fidéliser, Amazon a doublé la prime d’Etat (énergie). En outre, chaque salarié en CDI se voit verser
une action, estimée à plus de 3 000 €.

Amazon France, c’est…

  • 25 millions de clients.
  • 1 milliard d’euros de reversements d’Amazon à la France.
  • Beaucoup de turnover (dont le coût global pour Amazon est estimé à 8 milliards d’euros à l’échelle mondiale).
  • 1 flotte de véhicules utilitaires. Lesquels, contrairement aux poids lourds, peuvent rouler 24/24 en l’absence de réglementation.
  • 1 slogan : Option client > Toujours plus haut > Tourné action.

Réussite commerciale : une seule clé ouvre toutes les portes !

Le concept gagnant d’Amazon tient en quelques mots : maximiser le nombre de clients, inonder la planète de la consommation, quitte à rogner sur la marge commerciale.

Dit autrement, c’est une marketplace (place de marché), laquelle consiste à mettre en relation producteurs & consommateurs sans avoir à entreposer la marchandise. Deux avantages « massue » : ne pas avoir à immobiliser de capital dans la marchandise et, en cas d’invendus, ne pas en supporter la charge, la perte.

Au passage, Amazon se rémunère grâce à la mise en relation entre vendeurs et consommateurs.

Mais Amazon ne s’arrête pas là… Son véritable coup de génie, le cœur de son activité, c’est la gestion de la donnée qu’Amazon vend à des clients extérieurs, dont la CIA (cf. infographie AMAZON monde). Très profitable, elle permet de rentabiliser l’activité de commerce, allant même jusqu’à pratiquer du dumping sur cette dernière. C’est, à l’évidence, une concurrence féroce vis-à-vis des autres sites de vente en ligne mais également du commerce traditionnel en magasin.

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Le cercle « vertueux » de ce type de mastodontes, c’est le nombre de références. Dès lors, les clients sont globalement satisfaits. « Il est très difficile de « déloger » ce type d’entreprise qui atteint une position ultra dominante. Le succès appelle le succès ! », relève Philippe MOATI.

En parallèle, pour les consommateurs, l’attractivité est liée au nombre de clients qui ont laissé un commentaire pour nous guider vers notre option d’achat. Dynamique cumulative. « Celui qui prend de l’avance est indélogeable… », affirme Philippe MOATI.

Exemple : vous tapez robinet de cuisine, s’affichent 60 000 références sur Amazon, et les algorithmes sont là pour nous guider, selon nos goûts et nos habitudes de consommation.

Sans oublier les innovations prodigieuses réunies chez Amazon. La place de marché, l’abonnement, et le Prime qui « menotte » les clients, les rendant surinformés & plus dépendants du site. Amazon, c’est une capacité sans faille pour capter nos goûts (lecture, émissions télé favorites, etc.)

Même les détracteurs, les principaux concurrents, reconnaissent humblement l’avance du service client chez Amazon. Mais Amazon ne s’arrête pas là…

Aux USA notamment, Amazon s’est lancé dans un vaste programme d’analyse des publicités. La plateforme propose à ses utilisateurs de l’autoriser à suivre leur navigation web pour voir sur quelle pub ils cliquent, à quelle heure ils le font. Objectif : pister les habitudes de consommation.

Autre proposition : scanner les tickets de caisse avec, pour contrepartie, 1 $ par ticket dans la limite de 10 tickets par mois. Rétribution en carte cadeau… carte Amazon bien sûr (!)

Amazon monde, c’est…

  • 250 millions de références sachant qu’un grand hypermarché n’excède pas
    100 000 références…
  • 50% du commerce américain. Aux USA, Amazon fait vivre 1 million de personnes.
  • Le 1/3 de la capacité mondiale du cloud : plus que Microsoft, IBM & Google réunis !

Un petit nuage au beau milieu d’un horizon anticyclonique

Faiblesse potentielle de toute plateforme de distribution, qui met en relation directe une offre et une demande de biens physiques, Amazon est confronté à des dommages collatéraux liés à cette hyper mondialisation. Citons pêle-mêle les conditions de travail, l’accidentologie ou encore des stocks d’invendus qui partent à la poubelle.

C’est un facteur de fragilisation que l’entreprise prend à bras le corps.

Sur son site d’Augny3 (Moselle), chaque équipe de 20 personnes commence sa séance de travail par 5 minutes de gym et d’étirements.

Exister face à Amazon…

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Faiblesse potentielle de toute plateforme de distribution, qui met en relation directe une offre et une demande de biens physiques, Amazon est confronté à des dommages collatéraux liés à cette hyper mondialisation. Citons pêle-mêle les conditions de travail, l’accidentologie ou encore des stocks d’invendus qui partent à la poubelle.

C’est un facteur de fragilisation que l’entreprise prend à bras le corps.

Sur son site d’Augny3 (Moselle), chaque équipe de 20 personnes commence sa séance de travail par 5 minutes de gym et d’étirements.

L’ouvrage de Philippe MOATI, particulièrement sourcé et dépeignant, chiffres en main, la force du géant américain du e-commerce, nous éclaire sur une posture majeure : ne surtout pas chercher à lutter contre Amazon. C’est le mur garanti !

En revanche, ce mastodonte, féru d’innovation et de bon sens en action, peut constituer un aiguillon fertile en direction de nos entreprises du monde rural et ce, indépendamment de leur taille.

Pour s’en convaincre, ce n’est certainement pas un hasard si Amazon avait pris place au sein des stands du dernier salon de l’agriculture, au cœur du pavillon dédié à l’artisanat et au patrimoine rural de France.

Sa spécificité française : la « Boutique des producteurs », un espace de vente lancé en 2018 au sein de sa marketplace, et dédié aux TPE et PME françaises du secteur agroalimentaire.

Fort de ses 400 producteurs hexagonaux, il distribue d’ores et déjà plus de 13.000 références. « On a l’ambition de proposer le choix de produits le plus large possible », assure Patrick Labarre, directeur de la marketplace Amazon France.

Les producteurs, TPE & PME qui travaillent avec Amazon5 disposent ainsi d’un accès direct aux 35 millions de visiteurs uniques de la plateforme. Pour les producteurs, c’est l’accès à la digitalisation sans avoir à investir dans leur propre site de e-commerce. Cerise sur le gâteau, c’est également pour eux la possibilité d’étendre leur zone de chalandise à l’international. En outre, pas besoin de capitaliser par ailleurs. Le modèle économique d’Amazon requiert de leur part un abonnement de 39 € par mois et 10% à 15% de facturation sur leurs ventes selon les produits. A l’heure où l’agilité et la souplesse sont de mise, c’est, sans nul doute, une grande liberté pour les producteurs qui ont choisi de commercer avec Amazon…

Et si la bonne question n’était pas plutôt : Comment vivre aux côtés d’Amazon ?

1 PME : Petites & Moyennes Entreprises.

2 Philippe MOATI : Professeur d’économie à Paris Diderot, spécialiste de la consommation. Auteur de : La plateformisation de la consommation. Sous-titre : peut-on lutter contre le géant Amazon ?

3 Amazon Augny : 18,5 hectares, l’équivalent de 75 supermarchés. 3 000 salariés + 1 000 intérimaires (Noël). 1 000 robots par étage qui se déplacent à partir des QR codes au sol.

4 Alibaba : 1,5 milliard de références, quand Amazon « plafonne » à 250 millions.

5 Parmi lesquels, des fromagers, charcutiers, producteurs de miel…

Notre rédacteur Cerfrance Poitou-Charentes :

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Michel DEBERNARD, Pilote de la Veille économique & Prospective
mdebernard@pch.cerfrance.fr